La place accrue des Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD) dans le processus judiciaire
Le développement des Modes alternatifs de règlement des différends a longtemps été freiné.
S’ils connaissent aujourd’hui une nette évolution, plusieurs professionnels et praticiens du droit demeurent méfiants car, les MARD sont désormais indéniablement un moyen de réduire les stocks des juridictions.
Au-delà des raisons justifiant cette évolution, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une option qui peut être intéressante devant un système judiciaire tel que le nôtre.
En effet, si tous les conflits ne se prêtent pas à une procédure extra judiciaire, tous ne sont pas non plus faits pour une décision juridictionnelle.
L’application excessive du droit peut ainsi conduire à l’injustice[1].
C’est notamment dans le but de corriger les lacunes de la loi et du système judiciaire que les MARD ont progressivement connu un véritable essor.
En effet, si du fait du caractère préexistant et objectif de la règle de droit le juge doit juger dans le respect strict de la loi, loi et médiation tout comme conciliation sont les outils qui lui sont donnés pour contribuer à la paix sociale.
Les MARD interviennent alors où la loi ne peut apprécier le contour des situations adéquates
D’abord conçus comme une alternative à la solution judiciaire du litige, ils se sont développés comme une alternative à la solution juridictionnelle, de sorte que l’opposition peut être désormais faite non pas entre les modes judiciaires et amiables, mais entre les modes juridictionnels et les modes alternatifs de règlement des différends[2].
Les MARC extrajudiciaires ont connu une véritable croissance en France avec le décret du 20 janvier 2012, qui créé dans le Code de procédure civile un Livre V « La résolution amiable des différends »[3].
Au sein de l’institution judiciaire, l’on peut distinguer la conciliation, l’amiable composition et la médiation judiciaire[4] .
On peut considérer que la différence entre la médiation et la conciliation réside dans le fait que la conciliation recherche une solution à apporter au litige juridique dont est saisi le juge, alors que la médiation vise davantage à rétablir la relation entre les parties et à trouver une solution au conflit personnel qu’elles vivent [5].
Avec le décret du 11 décembre 2019, entrait en vigueur un article 750-1 du code de procédure civile, qui exigeait à peine d’irrecevabilité que le juge pouvait prononcer d’office que certaines demandes en justice soient précédées d’une conciliation ou d’une médiation[6].
Ces exigences portaient notamment sur des demandes dont le paiement n’excédait pas la somme de 5.000 euros ainsi que celles portant sur des troubles anormaux de voisinages, initiées dès le 1er janvier 2020.
Cet article fera l’objet d’annulation par un décret faisant suite à une décision du conseil d’état, pour le plus grand bonheur de certains professionnels, au motif du manque de précision sur l’indisponibilité du conciliateur de justice qui aurait pu justifier le défaut de recours préalable aux MARD [7].
C’est ainsi que, sans surprise, par Décret du 11 mai 2023, l’article précédemment supprimé fera son retour, avec deux précisions supplémentaires :
- Le délai d’indisponibilité du conciliateur justifiant l’absence de recours préalable obligatoire à ces mesures sera fixé à trois mois ;
- L’usage préalable du créancier aux procédures de recouvrement simplifié dispense du recours obligatoire à une conciliation ou une médiation avant saisine du Tribunal[8].
Attention, ces dispositions étaient applicables à compter du 1er octobre 2023 !
Rappelons alors que le conciliateur de justice peut être saisi directement par l’une ou les deux les parties ou leur conseil, afin que soit initiée une procédure de conciliation extra judiciaire.
De même, à tout moment de la procédure, le juge peut proposer aux parties par le biais de leur avocat de mener lui-même une conciliation judiciaire ou de déléguer la conciliation à un conciliateur de justice.
Les règles sont quasiment les mêmes pour la médiation conventionnelle ou judiciaire.
Il est indéniable que la mise en œuvre de la procédure de règlement amiable est susceptible de retarder l’issue de procédures judiciaires, dont les lenteurs sont déjà décriées.
Il n’en demeure pas moins qu’au vu des enjeux de ces procédures, le législateur poursuit son action en affirmant le besoin de les généraliser.
C’est dans cette même logique qu’un nouveau décret du 29 juillet 2023 a ajouté l’audience de règlement amiable (ARA) à ces dispositifs de résolution amiable déjà existant, notamment en matière familiale, laquelle est confiée à un juge distinct de celui chargé d’une affaire [9].
L’audience de règlement amiable est ainsi introduite dans le cadre de la procédure écrite ordinaire et de la procédure de référé devant le tribunal judiciaire.
Les professionnels du droit pourraient être tentés de considérer que du fait même de leur formation la maitrise des rouages de la négociation est un acquis.
Or, au-delà de la négociation élaborée autour d’un processus juridique et judiciaire, il faut pouvoir toucher du doigts le volet humain et personnel qui demeure parfois le nœud de la résolution du conflit.
L’aboutissement de ces procédés sur mesure passe donc par les conseils d’un professionnel avisé, notamment avocat, et en l’occurrence formé précisément au processus de règlement amiable des différends.
En tout état de cause, à l’approche des fêtes de fin d’année marquée par la multiplication des achats de toutes sortes, les litiges qui pourraient en découler dès le début d’année pourraient entrainer une surcharge supplémentaire des juridictions, d’où la nécessité de s’interroger sur le recours aux MARD.
[1] CICERON
[2] Les modes alternatifs de règlement des conflits, Loïc CADIET et Thomas CLAY
[3] Décret n°2012-66 du 20 janvier 2012
[4] Les modes alternatifs de règlement des conflits, Loïc CADIET et Thomas CLAY
[5] Béatrice BLOHORN-BRENNEUR, La médiation pour tous dans l’espace OHADA et en Afrique de l’Ouest
[6] Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 – art. 4, article 750-1 Code de procédure civile
[7] Annulé par Décision n°436939, 437002 du 22 septembre 2022 , Conseil d’État statuant en contentieux
[8] Modifié par Décret n°2023-357 du 11 mai 2023 – art. 1
[9] Décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023, art 774-1 à 774-4